Madrid, mi-octobre. Sortie d’un cours de flamenco (parce que je suis trop hypespanisée). Il pleut à verse, il y a des éclairs dans tous les sens, c’est un vrai de vrai orage. Les autres, frileux – et alcooliques – retournent à l’intérieur mais je pars vaillamment vers mon chez moi, parce que je suis fatiguée, que j’ai de la fièvre, et que je suis quand même un peu bretonne donc la pluie, hein, bon, c’est un peu dans mes gènes et ça me fait trop pas peur limite plaisir.
J’ai marché un petit moment, heureuse d’entendre les gouttes chanter sur la toile de mon parapluie, commençant à sourire au bruit de l’orage qui grondait (pour rappel, j’avais de la fièvre. La fièvre, ça fait faire des trucs étranges, comme sourire au bruit de l’orage qui gronde et des gouttent qui chantent) et suis arrivée sur la plaza Mayor.
Cette plaza Mayor, mes loulous, c’est juste l’une des plus belles places de Madrid, la plus grande aussi, elle me fait penser à la place principale d’Ispahan en mille fois plus petite, (ou pas, pour ceux qui connaissent, mais bon il y a des arches quoi, vous voyez le concept), toutes proportions gardées. Et là, en passant sous l’arcade gardant la place, combinaison étrange de fatigue, de fièvre (vous aurez compris, je mets beaucoup de mes agissements sur le compte d’une température interne excessive), d’accents de guitare encore imprimés dans ma mémoire auditive, et de la beauté de cette nuit d’orage, là donc, d’un coup d’un seul, je me suis sentie bien comme rarement autant depuis longtemps (traduction : j’ai kiffé grave un truc de ouf).
J’ai refermé mon parapluie pour goûter la sensation de la pluie sur mon visage, en avançant lentement vers le centre de la scène place. Quelques pas plus loin, j’ai ôté mes talons, dénoué mes cheveux pour les laisser libres sous cette douche, et marché pieds nus sur les pavés luisant de pluie. Metteuse en scène et actrice à la fois, et public – indulgent – de mon propre cinéma. L’éclairage faisait la part belle à l’orage, illuminant en faisceaux précis les gouttes qui tombaient. A certains endroits, le sol formait des renfoncements dans lesquels se logeaient des flaques immenses, si tentantes que j’ai pris un malin plaisir à y faire des ronds de jambes pour voir voler l’eau tout autour de moi, la laissant tremper ma jupe qui s’est alourdie sous le poids. Sincèrement, je pense bien que toutes les personnes s’étant réfugiées sous les arcades ont dû me regarder faire avec des yeux ronds, parce que je devais vraiment avoir l’air allumée, trempée jusqu’à l’os au milieu de cette place.
J’ai terminé de traverser la place, remis mes chaussures à talons mais mon parapluie est resté bien fermé, me laissant profiter, pour le reste du trajet (que j’ai fait en marchant au milieu de la rue, souriant comme une folle finie, les cheveux dégoulinants d’eau), de la pluie qui s’était un peu calmée.
Quand je me suis retrouvée dans mon lit (claquant des dents et fiévreuse la mort, parce que poésie ou pas, j’ai juste passé une demi-heure sous la pluie battante d’octobre, et Madrid, faut pas déconner, c’est pas les Tropiques non plus), j’ai repensé à ce sentiment d’euphorie et de plénitude qui m’a envahie, seule au milieu de cette place, et je me suis dit que c’était quand même dingue de pouvoir vivre un truc pareil, un de ces moments à la fois tout cons et beaux à en crever ( ce que j’ai failli faire le lendemain).
C’est beau ce que tu racontes. Attention à la bronchite cependant.
Cela m’a fait penser à une chanson de Pauline Croze que j’aime beaucoup, où elle aussi raconte qu’elle aime danser sous la pluie.
*rougit* Merci. Pauline Croze, c’est quand même un compliment vachement plus classe que Jane Birkin.
Je ne sais si tout le monde sera de cet avis. C’est juste la référence qui m’est spontanément venue.
Oui, mais dou la gadoue?
J’ai bien compris ta référence à la reprise de ce succès de Petula Clarck par Jane Birkin accompagnée des négresses vertes.
Bah, cela ne m’est pas revenu de suite. Le cerveau humain est plein de mystères 😉
C’est fou, j’avais oublié totalement cette chanson (Mise à nue, donc)… et elle me parle assez pour que je me demande comment j’ai pu l’effacer de ma mémoire. Merci pour la piqûre de rappel.
Elle te parle assez car elle parle de ruptures amoureuses déchirantes ?
C’est le cas de la plupart des gens je pense. J’aime beaucoup cet album. Cette fille a son style bien à elle et une voix qui laisse parler son âme.
C’est beau ce que tu racontes 🙂
Arrête de jouer avec moi ou ma femme va croire que tu me dragues ! 🙂
Méfie toi, c’est une italienne !
tss.
tss pour le drague, l’italienne ou l’ensemble de mon oeuvre ?
C’est que je suis si désappointée que ton cœur soit déjà pris, que je ne sais plus que répondre.
(Tu parles, on sait tout sur tout le monde avec La Gêne).
Surtout que je ne suis pas un garçon très discret.
Tout sur tout le monde non ! Ou alors, je ne suis pas un lecteur assez attentif.
C’est que j’aime hyperboliser.
Ah oui ?
Normal pour une franco-suisse d’origine bretonne exilée en Hispanie. Tu es quasi une auberge espagnole à toi toute seule, les ennuis de cohabitation en moins.
Et encore, je n’ai pas parlé de mes colocataires!
Voila une idée de sujet toute trouvée !
[…] m’a frappé comme une évidence, toujours en rentrant d’une soirée sous la pluie, et les pirouettes qui te viennent dans les jambes […]